Quelques extraits d’une Interview du cardinal Aveline, Archevêque de Marseille, dans le Journal « Le Point » du 21 septembre :
Pouvez-vous nous rappeler la philosophie de ce déplacement ?
L’occasion favorable qui a déclenché la visite du pape est la tenue à Marseille de la troisième édition des Rencontres méditerranéennes. L’initiative première en revient à la Conférence épiscopale italienne, qui avait organisé à Bari, en février 2020, une réunion d’une quarantaine d’évêques du pourtour méditerranéen. J’étais présent à cette rencontre et je puis témoigner que ces quelques jours d’échanges ont permis de faire un grand pas en direction d’une meilleure connaissance mutuelle entre évêques, d’une meilleure compréhension des situations particulières de nos pays et donc des multiples enjeux de la mission de l’Église en Méditerranée. Le pape nous avait rejoints à la fin de nos travaux.et il nous avait fortement encouragés à continuer dans ce sens. Une deuxième rencontre a été organisée à Florence deux ans plus tard, en février 2022.
À Marseille, nous avons fait le choix de ne pas inviter des maires, mais plutôt des jeunes, étudiants et jeunes professionnels, de toutes nationalités et de toutes confessions religieuses, en provenance des cinq rives de la Méditerranée (Afrique du Nord, Proche-Orient, mer Noire, Balkans et Europe latine). Ils ont accepté de travailler avec les évêques, qui viendront eux aussi de ces rives, afin d’affiner ensemble notre perception des défis et des ressources de la Méditerranée aujourd’hui. Ce sont les travaux de cette assemblée que le pape viendra conclure, et c’est la raison pour laquelle il a accepté mon invitation à venir à Marseille. Ce sera une étape supplémentaire sur le long pèlerinage méditerranéen qu’il avait commencé il y a dix ans à Lampedusa. Le pape n’a pas d’agenda politique, mais son rôle est surtout d’éveiller les consciences.
Dans le contexte de Lampedusa, les paroles et les gestes du pape vont être scrutés à la loupe. Une pression supplémentaire ?
C’est vrai qu’en dix ans la situation ne s’est guère améliorée et que les événements de ces derniers jours attirent une nouvelle fois l’attention de l’Europe sur cette petite île, symbole tout à la fois d’un point de rencontre et d’une ligne de fracture. Je pense que c’est une occasion supplémentaire pour le pape de redire avec force la façon dont l’Évangile éclaire cette situation difficile et complexe. Dans le message qu’il a rédigé pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié, qui sera précisément célébrée ce dimanche 24 septembre, le pape dit bien que le phénomène migratoire requiert une analyse attentive des différents aspects qui le caractérisent et que l’intention de l’Église est de contribuer à cet effort de lecture de la réalité. « Avant même le droit d’émigrer, il faut réaffirmer le droit de ne pas émigrer, c’est-à-dire de
rester dans sa patrie », avait affirmé Benoît XVI en 2012. Le pape François reprend cette idée et la développe dans son message.
La France doit bientôt débattre du projet de loi immigration. L’intervention du pape pourrait être interprétée comme une immixtion. Que répondez-vous ?
Comme on vient de le dire, la question migratoire est complexe. Il n’y a pas de réponse simpliste ni naïve. Le pape n’a pas d’agenda politique, mais son rôle est surtout d’éveiller les consciences, d’inviter à regarder ce qui se passe réellement dans cet espace méditerranéen, d’écouter les cris de ceux dont la voix est étouffée, d’essayer de comprendre et d’analyser la complexité des phénomènes migratoires et, si possible, d’agir pour le bien de tous.