Les épitres de Paul

Les épitres de Paul

Retrouvez prochainement un extrait de ce texte à méditer cet été 2025 (p76 à 78)

ISBN: 2227366052; EAN 9782227366053; 260 pages

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La tenue des femmes dans l’assemblée (11, 2-16)

Trois problèmes vont maintenant être abordés. Ils touchent au déroulement des assemblées chrétiennes: le voile des femmes, le repas du Seigneur, l’exercice des charismes de prophétie et de parler en langue.

Les chrétiens se réunissaient dans la maison de l’un ou de l’autre pour la prière et pour le repas du Seigneur, tandis que les juifs se retrouvaient à la synagogue et que des confréries religieuses païennes, nombreuses à Corinthe, avaient leurs propres réunions.

Dans la liturgie de la synagogue, les femmes étaient présentes, mais elles étaient séparées des hommes et se trouvaient en situation d’infériorité; elles n’avaient pas de rôle d’enseignement. Dans les confréries païennes, il en allait différemment: hommes et femmes avaient, les uns et les autres, leur place, et il arrivait que les femmes exercent les fonctions sacerdotales. Il se peut que des convertis venant du judaïsme et du paganisme aient eu tendance à reprendre, en assemblée chrétienne, quelque chose de leur passé religieux, et il est normal que cela ait pu poser des problèmes d’adaptation.

Dans le monde grec d’alors, les convenances voulaient que l’homme aille la tête découverte et les cheveux courts, alors que la femme, qui laissait pousser sa chevelure, portait un voile. Or à Corinthe, dans les assemblées chrétiennes, des femmes se permettaient de prier ou de prophétiser la tête découverte. Par rapport aux coutumes du temps, c’était un abus. Paul a le souci de la dignité et du bon ordre des réunions de prière, comme il a celui de la dignité et du respect de ses sœurs dans la foi. Il veut éviter que les assemblées liturgiques ressemblent aux réunions païennes et entend en démarquer le culte chrétien. Peut-être craint-il que des femmes veuillent introduire dans la communauté chrétienne des usages analogues à ceux du paganisme. Aussi blâme-t-il cette façon de faire.

Son but n’est pas de faire un cours de théologie, mais de faire cesser un abus. À l’appui de sa décision, il fait valoir des considérations de divers ordres où se mêlent des éléments qui tiennent aux particularismes de son temps: il convient de voir la valeur et la signification de chacune, sans en surfaire l’importance. Ce texte est intéressant par ce qu’il dit de la femme dans l’assemblée chrétienne et plusieurs idées sous-jacentes aux considérations pauliniennes.

2  Je vous félicite de vous souvenir si bien de moi, et de garder les traditions que je vous ai transmises.

3  Mais je veux que vous le sachiez: la tête de tout homme, c’est le Christ; la tête de la femme, c’est l’homme; la tête du Christ, c’est Dieu.

4  Tout homme qui prie ou prophétise la tête couverte fait honte à sa tête.

5 Toute femme qui prie ou prophétise la tête dévoilée fait honte à sa tête, car c’est exactement comme si elle était rasée.
6 En effet, si elle ne se voile pas, qu’elle se fasse tondre; et si c’est une honte pour la femme d’être tondue ou rasée, qu’elle se voile.

7 L’homme, lui, ne doit pas se voiler la tête, puisqu’il est l’image et le reflet de Dieu; or la femme est le reflet de l’homme.

8 En effet, l’homme n’a pas été tiré de la femme, c’est la femme qui a été tirée de l’homme,

9 car l’homme n’a pas été créé à cause de la femme, mais c’est la femme qui a été créée à cause de l’homme.

10 C’est pourquoi la femme doit avoir sur la tête un signe de sa dignité, à cause des anges.

11 D’ailleurs dans le Seigneur la femme n’existe pas sans l’homme,

ni l’homme sans la femme.

12 En effet, de même que la femme a été tirée de l’homme, de même l’homme vient au monde par la femme, et tout cela vient de Dieu.

13 Jugez-en par vous-mêmes : est-il convenable qu’une femme prie Dieu sans être voilée ?

14 La nature vous enseigne, n’est-ce pas, que pour un homme c’est déshonorant d’avoir les cheveux longs,

15 et que pour une femme c’est une gloire, car la chevelure lui a été donnée pour s’en draper.

16 Et si quelqu’un croit devoir ergoter, nous n’avons pas cette manière de faire, et les Eglises de Dieu non plus.

Avant de demander aux Corinthiens de se conformer en assemblée liturgique à l’usage de toutes les Églises (v. 16), Paul commence par les féliciter de se souvenir de lui et de garder les traditions qu’il leur a transmises: celles-ci sont avant tout la Parole de Dieu (1 Th 2, 13), des récits symboles de foi sur le repas du Seigneur et la résurrection de Jésus, l’enseignement du Seigneur sur la foi et l’existence chrétienne, mais aussi, et c’est le cas ici, des coutumes qui ont force de loi dans la vie des Églises. L’apôtre demande aux femmes de porter un voile dans l’assemblée chrétienne. À l’appui de cette consigne, il fait état de plusieurs considérations qui sont loin d’avoir la densité théologique de ce qu’il a écrit sur le Messie crucifié et la Sagesse de Dieu.

La subordination de la femme à l’homme (11, 3-6)

Jouant sur le mot «tête›, Paul fait appel à une hiérarchie d’auto-rité: femme, homme, Christ, Dieu. La surprise que causent ces paroles invite à être attentif au coefficient sociologique qui, dans le contexte de civilisation de l’époque, affecte l’expression de l’apôtre; au fait qu’elles s’appliquent à une coutume dont la signification est propre à son temps; enfin, à ne pas remettre en question ce qu’il dit, par ailleurs, de l’égalité de l’homme et de la femme dans le Christ.

Par-dela les aspects contingents qui marquent ces lignes, il reste peut-être Fidée selon laquelle il est convenable que l’attitude respective de l’homme et de la femme dans l’assemblée de prière reflète les dons et la situation réciproque de l’un et de l’autre. Ces versets sont précieux car ils montrent que des femmes priaient à haute voix et prophétisaient dans l’assemblée chrétienne.

L’homme et la femme selon la Genèse (11, 7-12)

Paul fait appel à des textes de référence dont on faisait volontiers usage dans les communautés chrétiennes. Il argumente, à partir de Gn 1 et 2, d’une manière que l’on perçoit comme déconcertante, 79

outrée (en Gn 1, 27, ‘homme et la femme sont dits, l’un et l’autre,

  • à l’image de Dieu-), faite d’arguties. Elle étonnait sans doute moins les gens de son temps et revient à dire : s’il est normal que l’homme prie la tête découverte, la femme, elle, doit porter un voile, elle qui est l’honneur de l’homme.
  • C’est pourquoi la femme doit avoir sur la tête un signe de sa dignité, à cause des anges. •

Que la femme soit l’honneur de l’homme n’est pas affirmé dans un sens péjoratif, et le port du voile est présenté comme l’expression de sa «dignité». Plusieurs interprètent le verset au sens où la femme devrait porter le voile comme signe de sa • sujétion • et où il serait fait allusion aux anges mauvais que son indécence pourrait provoquer. Mais cette interprétation d’un texte difficile s’appuie sur un sens opposé au sens courant du mot (exousia) que le lectionnaire liturgique traduit heureusement par « signe de sa dignité-. La femme est invitée à porter un voile en signe de sa liberté, de sa dignité et de sa capacité à participer à l’assemblée de prière. En agissant ainsi, elle respecte la sainteté du culte signifiée par les anges : ceux-ci attestent la présence de Dieu, et par là invitent à vivre le culte dans la décence et une attitude de respect.

•Dans le Seigneur, la femme n’existe pas sans l’homme, ni l’bomme sans la femme. •

Sentant la fragilité des considérations qu’il vient de faire, Paul, pour éviter qu’on leur donne trop d’importance, les relativise : il rappelle la solidarité fondamentale de l’homme et de la femme, et leur commune dépendance de Dieu (vv. 11-12). Il fait aussi appel au jugement de ses interlocuteurs.

Le sens commun et les convenances (11, 13-15)

« Jugez-en par vous-mêmes ». Paul en appelle à leur jugement dans un contexte où les usages et la mentalité commune allaient dans le sens de ce qu’il demande aux femmes d’observer lors des réunions de l’assemblée chrétienne. Une première lecture du verset 14 pourrait amener à conclure que la femme n’a pas besoin de voile puisque la nature lui en fournit. La pensée de Paul est, au contraire, que la nature, en dotant la femme d’une ample chevelure, montre qu’il lui est naturel de porter un voile.

L’usage des Églises (11, 16)

Paul est conscient de la valeur relative des considérations qu’il vient de faire et de leur application conefète au port du voile par les femmes. Aussi, pour prévenir toute discussion, il fait appel à son autorité et à la coutume des Églises. Avec vérité, et non sans humour, E. Osty commentait: «C’est le meilleur argument. • Cette remarque est toujours valable.

En terminant la lecture de cet ensemble, on peut retenir, avec l’attention à la dignité et au bon déroulement du culte, l’idée générale sous-jacente que la complémentarité homme-femme est appelée à se manifester dans leurs places respectives en assemblée de prière. En outre Paul affirme que l’homme et la femme sont inséparables devant le Seigneur (vv. 11-12) et il fait état, comme d’un comportement reçu, de femmes qui prient ou prophétisent dans l’assemblée de prière. Cela représente une progression de la place de la femme dans la vie cultuelle par rapport à celle qu’elle tenait dans le judaïsme et un progrès de sa dignité par rapport à celle qui lui était reconnue dans le monde païen.