Robert Prevost, un missionnaire Américain atypique, devient Léon XIV (Aleteia)

Robert Prevost, un missionnaire Américain atypique, devient Léon XIV (Aleteia)

Il a été élu pape le 8 mai et se fera appeler Léon XIV. Le cardinal Robert Francis Prevost, 69 ans, américain de Chicago et missionnaire dans les Andes, offre au monde un parcours singulier. Choisi par le pape François en 2023 pour diriger le dicastère en charge des évêques du monde, il est marqué par son expérience de terrain et ses convictions pastorales.

mai 2025, 18 h 07 : le monde entier découvre le visage du 267e successeur de Pierre. Élu après 24 heures de conclave, le cardinal Robert Francis Prevost, 69 ans, devient Léon XIV. Par son nom de pape, il s’inscrit aussi dans la filiation du pape Léon XIII (1878-1903), considéré comme un père fondateur de la Doctrine sociale de l’Église.

Créé cardinal en 2023, ce membre de l’Ordre de Saint Augustin a un parcours atypique. Né à Chicago le 14 septembre 1955, Robert Francis Prevost est issu d’une famille d’ascendance française, italienne et espagnole. Formé en mathématiques et en philosophie à l’université de Villanova à Philadelphie, il est entré en 1977 en noviciat chez les augustiniens, où il a prononcé ses vœux quatre ans plus tard, avant de recevoir l’ordination sacerdotale en 1982 à Rome des mains de Mgr Jean Jadot (1909-2009), alors pro-président du secrétariat pour les non-chrétiens, et perçu comme une figure ‘progressiste’ au sein de la Curie. Cet archevêque de nationalité belge fut délégué apostolique aux États-Unis de 1973 à 1980, à une époque où la nonciature n’existait pas encore en raison de l’absence de relations diplomatiques formelles entre Washington et le Saint-Siège.

Robert Francis Prevost a ensuite obtenu en 1987 un doctorat en droit canonique à l’Angelicum (Université pontificale Saint-Thomas d’Aquin) avec une thèse sur le rôle du prieur local de l’Ordre de Saint-Augustin. Tout en préparant sa thèse, il vivra par ailleurs une première expérience missionnaire au Pérou en 1985-1986, en tant que chancelier du diocèse de Chulucanas et vicaire de la cathédrale. Après un retour de quelques mois dans son Illinois natal comme responsable de la pastorale des vocations et directeur des missions pour sa province, il est retourné au Pérou en 1988 pour onze années durant lesquelles il a cumulé de nombreuses missions dans l’archidiocèse de Trujillo. Il a notamment fondé une paroisse dont il fut le premier curé jusqu’en 1999, et il a aussi été prieur de sa communauté, juge ecclésiastique, directeur du séminaire augustinien, ou encore préfet des études et recteur du séminaire diocésain, où il a enseigné le droit canonique, la patristique et la morale.

Missionnaire dans un Pérou instable

De 2001 à 2013, il fut le prieur général de la congrégation des Augustiniens, avant de devenir évêque de Chiclayo, au Pérou, en 2015. Selon l’édition 2022 de l’Annuaire pontifical, ce diocèse situé au nord du Pérou compte 90 prêtres incardinés, pour une population totale de 1,3 million d’habitants, parmi lesquels 83% de catholiques. Les évêques du Pérou ont joué un rôle important de stabilité institutionnelle durant les crises politiques successives qui ont mené aux renversements successifs des présidents Pedro Pablo Kuczynski en 2018, Martín Vizcarra et Manuel Merino en 2020, et Pedro Castillo en 2022. Quelques jours avant sa chute et son arrestation, ce dernier, issu de la gauche radicale, fut reçu par le président de la conférence épiscopale et par Mgr Prevost, afin de trouver une solution pacifique « dans ce moment très difficile de la vie démocratique péruvienne », avaient alors souligné les évêques, qui avaient eu jusqu’alors des relations difficiles avec son administration. Au sein de l’épiscopat latino-américain, les ressortissants des États-Unis sont rares. La conférence épiscopale du Pérou compte cependant un autre Américain : il s’agit de Mgr Arthur Colgan, religieux de l’Ordre de la Sainte-Croix, qui est évêque auxiliaire de Chosica depuis 2015. Le Pérou, un pays relativement petit à l’échelle de l’Amérique latine mais grand comme deux fois la France, a reçu la visite du pape François en janvier 2018 : ce voyage lui a donc permis de rencontrer et de repérer Mgr Prevost, qu’il a reçu en audience privée en 2021.

PERU

Le pape François l’appelle ensuite à Rome en 2023 afin de prendre la tête du stratégique dicastère pour les Évêques, où son sens de l’écoute et de la synthèse était remarqué et apprécié. Il était aussi le président de la Commission pontificale pour l’Amérique latine, une charge importante pour le lien entre Rome et ce continent marqué par un puissant catholicisme populaire. Cette élection du premier pape originaire des États-Unis constitue une confirmation de la ligne sociale et “synodale” portée par le pape François. Lors de la récente assemblée synodale d’octobre 2024, le cardinal Prevost était apparu comme une figure capable d’harmoniser les relations entre diocèses de vieille chrétienté et les territoires “de mission”. Cela constituera sans doute un chantier central de son pontificat dans un monde marqué par la polarisation.

“La paix soit avec vous !” Les premiers mots du pape Léon XIV

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Critiques sur sa conduite dans une affaire d’abus

Ses deux années à la tête de la province augustinienne Notre-Dame-du Bon Conseil (1999-2001) ont fait l’objet, vingt ans plus tard, de vives critiques de la presse américaine en raison de son attitude dans une affaire d’abus sexuels sur mineurs impliquant un membre de sa congrégation. En tant que provincial, le père Prevost avait en effet donné en septembre 2000 son accord pour l’accueil d’un religieux condamné à neuf ans de mise à l’écart pour abus sexuels sur mineurs, le père James Ray, dans un prieuré augustinien situé près d’une école primaire. Durant deux ans, ce religieux a continué à célébrer des mariages et des baptêmes, exerçant par ailleurs un ministère d’aumônier d’hôpital. Ce n’est qu’en 2002, avec le durcissement des règles établies par l’épiscopat américain, que ce prêtre a été écarté de cette résidence, avant d’être laïcisé en 2012 après la découverte de nouvelles affaires le mettant en cause. À l’automne 2024, il fait par ailleurs face à l’accusation d’avoir cherché à couvrir deux cas de prêtres pédophiles dans son ancien diocèse de Chiclayo.

En tant que préfet du dicastère pour les Évêques, le cardinal Prevost a pour mission d’appliquer les règles du motu proprio du pape François Vos estis lux mundi, qui peut amener à la démission d’évêques reconnus coupables de négligence, de couverture ou de mauvaise gestion de cas d’abus impliquant des prêtres situés sous leur juridiction.

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Membre du Synode sur la synodalité 

Membre du Synode sur la synodalité, ce grand chantier lancé par le pape François en 2021 pour rendre l’Église plus inclusive et moins cléricale, le cardinal Prévost avait été particulièrement impliqué dans les réflexions sur les nominations d’évêques et leur mode de gouvernance. Devant les journalistes, il n’a pas hésité à dire que le processus de sélection devait être plus synodal, c’est-à-dire impliquer toujours plus les prêtres, les religieux et surtout les laïcs. Il faut selon lui que les nonces – qui ont notamment la mission de mener cette tâche – aillent au contact des gens et des groupes paroissiaux.

Certes, pour le préfet, un évêque doit être un leader. Mais il ne peut pas être un simple administrateur d’entreprises tant l’Église a besoin de pasteurs qui connaissent leur peuple. Dans un entretien aux médias du Vatican en 2023, il avait pour autant expliqué ne pas souhaiter que le choix des évêques soit le résultat d’un processus démocratique ou politique. Dans le même registre, début 2024, il a fait partie des évêques de la Curie qui ont bloqué le projet de « Conseil synodal » du Synode allemand – structure voulue pour permettre à des représentants laïcs désignés démocratiquement de participer pleinement à la gouvernance de l’Église catholique dans le pays.

Sur la question du rôle des femmes dans la gouvernance de l’Église, le pape Léon XIV suit la ligne du pape François en écartant a priori la possibilité de l’ordination de femmes diacres, une décision qui risquerait finalement de “cléricaliser” la femme. Le cardinal Prevost avait plaidé cependant pour donner davantage d’espace aux femmes, et notamment à des postes de responsabilités. Son dicastère a d’ailleurs connu une petite révolution sous le pontificat de François puisque trois femmes y siègent dorénavant. Relativement discret lors de l’assemblée de l’automne 2023, le cardinal Prevost est apparu comme l’une des figures les plus visibles de la seconde assemblée synodale, en 2024. Il a notamment mis en valeur l’importance d’une formation commune pour les évêques des diocèses de l’hémisphère Nord et ceux des diocèses dits « de mission », invitant à mieux articuler le lien entre Rome et les Églises locales et à élargir la sélection des nouveaux évêques en consultant le peuple de Dieu.

Source: Aleteia – https://fr.aleteia.org/2025/05/02/papabile-le-cardinal-prevost-un-missionnaire-americain-au-profil-atypique?utm_medium=email&utm_source=sendgrid&utm_campaign=EM-FR-Newsletter-Daily-&utm_content=Newsletter&utm_term=20250509